- CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS
- CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERSCONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS & MÉTIERS (C.N.A.M.)En formant le Conservatoire national des arts et métiers (C.N.A.M.), la Révolution française ne fit, à vrai dire, que reprendre, en les amplifiant, des projets anciens qui avaient connu des débuts de réalisation. Parmi les intentions que l’on peut assigner à l’idée d’instituer un Conservatoire, il y eut le désir de vulgariser, en le réglementant, un spectacle: celui que des modèles et des machines pouvaient offrir aux visiteurs des cabinets de curiosité; réunir sous un même regard des instruments réduits ou retirés de leur usage normal, c’est en effet les esthétiser dans une composition artificieuse. Leibniz, dans une curieux manuscrit de 1675, avait déjà suggéré le plan d’une espèce de parc d’attractions où, parmi d’autres artifices, devaient figurer, «en représentations», des machines; ce qui sera, en quelque manière, réalisé à Paris en 1683 dans une exposition payante de «modelles des machines et forces mouvantes». La réunion de modèles et d’instruments peut certes avoir une utilité didactique, voire heuristique. Le modèle se trouve ainsi situé au point de rencontre de divers intérêts, l’amusement des gens du monde recoupant les espérances des inventeurs, la censure des académies et les moyens d’instruction professionnelle. Activés par les mises en scène iconiques de l’Encyclopédie , ces thèmes préparent l’entreprise du Conservatoire. Vaucanson en forma une première ébauche; il avait réuni dans l’hôtel de Mortagne, rue Charonne, une collection d’outils et de machines propre à éduquer les ouvriers; à sa mort, en 1783, les objets légués au roi furent répartis entre l’Académie des sciences et l’Administration des finances, sous la responsabilité des intendants du commerce. L’année suivante, Vandermonde, chargé de l’examen des inventions à l’Académie, acquiert pour le compte de l’État l’hôtel de Mortagne, qui devient ainsi un premier musée industriel. Instituée le 23 pluviose an II, la Commission temporaire des arts rassemblait, cependant, à l’hôtel d’Aiguillon, rue de l’Université, un riche dépôt de machines procurées par le grand chambardement des appropriations. Par la suite, sur le rapport de l’abbé Grégoire, la Convention décida, le 19 vendémiaire an III, de réunir tous les objets propres à la démonstration des arts industriels dans «un dépôt de machines, modèles, outils, dessins, descriptions et livres dans tous les genres d’arts et métiers», afin qu’on y expliquât «la construction et l’emploi des outils et machines utiles aux arts et métiers», et qu’on y recueillît «l’original des instruments et machines inventés ou perfectionnés». On hésita d’abord sur le lieu le plus propre à la nouvelle institution; désireux de faire exécuter le décret de la Convention, le Directoire suggéra d’installer le Conservatoire dans les bâtiments de l’ancien prieuré de Saint-Martin-des-Champs dont il reste l’église et le réfectoire: repoussée par le Conseil des Cinq-Cents pour des motifs d’économie, la proposition fut soutenue par les Anciens, dont les avis n’étaient que consultatifs. Leur opinion fut toutefois entendue, et les soins d’une nouvelle commission des Cinq-Cents firent avancer l’affaire sour la diligence de Grégoire: le 22 prairial an VI, le Directoire promulgue l’affectation des bâtiments de Saint-Martin au Conservatoire, qui n’en prendra toutefois possession que le 2 avril 1799 après l’éviction de la manufacture d’armes qui l’occupait.En l’an VIII, les modèles et machines des dépôts de l’État remplirent les galeries de l’établissement qui était ainsi disposé, selon les prescriptions de la loi, à remplir les conditions d’un enseignement pratique qui procédât du spectacle des inventions mécaniques rassemblées. Mais le programme de démonstrations ne fut guère suivi; en revanche, une «petite école de dessin appliqué aux arts», héritière en quelque manière de l’École royale gratuite de Bachelier, connut un certain succès sous l’impulsion de Molard; en 1810, elle comptait jusqu’à trois cents élèves; pourvoyeuse d’agents subalternes, elle n’en a pas moins instruit quelques futurs chefs d’industrie comme Dollfus et Schneider. Si le musée connut sous l’Empire quelque faveur, c’est aux initiatives de la Restauration que le Conservatoire devra d’acquérir un lustre durable; l’ordonnance du 15 décembre 1819 lui imprimera, en effet, le caractère d’une «haute école d’application des connaissances scientifiques au commerce et à l’industrie» et y instituera «un enseignement public et gratuit pour l’application des sciences aux arts industriels». Les trois premières chaires furent confiées à Charles Dupin, à Nicolas Clément-Desormes et à Jean-Baptiste Say qui y devaient enseigner la mécanique, la chimie industrielle et l’économie industrielle; en 1829, un enseignement de physique appliquée aux arts sera attribué à Pouillet. Le Conservatoire apparaît alors, à la suite de la société d’encouragement et avant l’École centrale des arts et manufactures, comme l’un des organes les plus efficaces de l’information et du jugement technologiques de l’expansion industrielle française. Le soutien qu’il apporte à l’application des sciences devait, à mesure de ses succès, appeler inévitablement une augmentation des chaires auxquelles s’adjoindront des laboratoires d’essais. Avec des fortunes diverses, cette juridiction industrielle s’est développée jusqu’à notre époque, le Conservatoire se présentant désormais sous le triple aspect d’un institut de recherche industrielle, d’un moyen de promotion sociale procureur de techniciens souvent valeureux et d’une collection de pièces de machinerie propres à séduire les amants de la technique. En quoi cette institution reflète encore les intentions de son fondateur qui, après avoir fortement affirmé la liaison de la liberté et du travail, fournissait à l’industrieuse bourgeoisie sa morale: «C’est calculer en politique que d’ôter tout prétexte à l’ignorance, à la fainéantise, et de faire en sorte que rien ne soit à meilleur compte que la science et la vertu.»
Encyclopédie Universelle. 2012.